Archives par mot-clé : L’air du temps

Il y a quelques jours : ma promenade dans le bois…

Merci à Michelle Marchal, adhérente active à la SHAARL, qui nous propose ses flâneries dans l’exposition Promenons-nous dans le bois…, un long texte personnel et des images qui sont un hommage mérité à tous les exposants et une belle conclusion pour l’exposition Bois

(Cliquer sur le titre en vert pour accéder à la page et sur les images ci-dessous pour visionner les photos)

Au cimetière : patrimoine et histoire…

Il amena dans nos montagnes l’art de polir le granit. Épitaphe émouvante, relevée sur la tombe de Joseph-François Varelle, au cimetière de Servance, inscription devenue sans doute illisible aujourd’hui, comme sur beaucoup d’autres stèles plus ou moins effondrées, dégradées par les intempéries, le temps qui passe… La commune est propriétaire du cimetière, mais les tombes et leur entretien relèvent, en France tout du moins, des familles, du domaine privé. Alors bientôt, après une ou deux générations, ou après des cataclysmes de l’histoire, la petite place au cimetière n’est plus visitée, la mousse aura remplacé les fleurs de la Toussaint (cimetière chrétien) et le maire, en mal de terrain, appose un papier : Cette concession réputée en état d’abandon fait l’objet d’une procédure de reprise par la mairie…

Au cimetière juif de Vesoul (photo hiver 2016)

Le cimetière, comme les cloches, l’église, la mairie ou l’école, signe un paysage, une identité de village qui se sont façonnés au XIXe siècle surtout. Un paysage particulièrement varié, car les monuments funéraires se complètent aussi de toutes sortes de motifs : croix (et on peut se reporter aux belles ferronneries de Mélecey), couronnes mortuaires, épitaphes (si bien étudiées par Michel Vovelle, dans Mourir autrefois. Attitudes collectives devant la mort aux XVIIe et XVIIIe siècles)… et ce patrimoine architectural et décoratif se double parfois d’un paysage végétal, propice au recueillement, au silence que nous recherchons dans le bruit et la fureur du monde… Ces quelques remarques pour dire juste que le travail des marbriers, des sculpteurs, des fondeurs, et celui des fossoyeurs, des pompes funèbres, des croquemorts, et la mémoire des humbles et celle des notabilités, et les formes variées du rituel funéraire (tendance à la crémation, par exemple, avec la place nouvelle -les colombariums- pour les urnes cinéraires)… pour dire juste que tout cela compose un lieu d’histoire propice à la réflexion, à la vigilance aussi… de la SHAARL qui s’est activée, dans le froid de décembre, au cimetière de Chagey (on lira l’article de Claude Canard dans la presse de ce jour)…

Au cimetière de Chagey (décembre 2016)

Lieu de mémoire, territoire de l’histoire, patrimoine architectural… la promenade au cimetière est aussi une invitation à relire les mots qui reviennent souvent dans nos activités et sont la source d’interrogations qui doivent rester fructueuses. Lisons, à propos de patrimoine et histoire, cette page de Patrice Gueniffey, historien de la Révolution et de l’Empire, qui oppose assez abruptement la vogue du patrimoine à un certain effacement de l’histoire (dans Histoires de la Révolution et de l’Empire, éd. Perrin, 2011, 2013) :

Internet, notre allié ?

Je viens d’effectuer une petite recherche sur Joseph-Etienne Pouguet, charpentier, mécanicien et meunier à Ornans, qui est à l’origine de la construction des roues à eau pendantes qui ont équipé, à partir des années 1810, bon nombre d’établissements qui trouvaient leur énergie dans le courant de la Loue. La Société d’encouragement pour l’industrie nationale lui a décerné un prix, en 1821… Cette association, fondée en 1801 par Bonaparte, existe toujours et conserve la mémoire du patrimoine industriel en diffusant un bulletin (quelques centaines à plusieurs milliers de pages chaque année, depuis 1801)… Pour trouver un compte-rendu relatif à l’invention de Pouguet, je pars donc à la recherche d’un bulletin sur Internet et trouve effectivement quantité de documents de cette société en vente sur la plupart des sites marchands ; le prix moyen d’une revue annuelle oscille autour de 50-100 euros ; mais quelle année choisir ? plusieurs milliers de pages, quelques dizaines de bulletins entre 1810-1830…

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J’ai eu un mauvais réflexe avec les sites marchands, car la Société d’encouragement possède son propre site, avec la mise en ligne de tous les bulletins des années 1801 à 1943 et un outil de recherche permettant d’accéder, en quelques minutes, aux trois occurrences Pouguet et donc aux articles décrivant son invention (année 1822). C’est rapide, gratuit, efficace.

Petite leçon : avant d’acheter souvent très cher un document qui va vite s’empoussiérer sur le rayon d’une bibliothèque, consulter les ressources numériques, par exemple Gallica (Bibliothèque nationale de France) et ses millions de ressources numériques.

Ces quelques remarques invitent seulement à une réflexion sur la constitution, la composition et l’utilisation future de nos collections et de notre bibliothèque… Des trésors sont bien sûr partout en perdition, et tout particulièrement des archives, des papiers… que la SHAARL sait très bien repérer dans sa quête annuelle de livres par dizaines de tonnes (Bouquimania) ; des archives images concernant notre arrondissement (cartes postales, photographies…) sont aussi à surveiller sur les sites marchands et n’excluent pas bien sûr un commerce intelligent… Mais la confrontation avec les ressources numériques en ligne n’est-elle pas de plus en plus nécessaire ?
Les sciences sociales, l’histoire connaissent aujourd’hui une effervescence, source d’un nouvel enthousiasme, abordent le passé et le présent en mêlant formes, approches, méthodes différentes. La collection, la compilation sont bien sûr utiles, nécessaires à l’histoire, mais son écriture n’a plus de lecteurs, si elle devient indigeste, simple machine enregistreuse de faits… À la preuve du document doivent s’ajouter le plaisir et l’émotion d’une réflexion…

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Appel à contribution : une enquête de belle envergure est conduite sur les linteaux de Haute-Saône, depuis quelques années, conjointement par la SALSA et la SHAARL. Une poignée d’images, une définition de cet objet architectural, un essai de mise en ordre, de réflexion, quelques récits d’enquêtes sur le terrain… ne seraient-ils pas la bienvenue sur nos sites respectifs ? Pour susciter les curiosités, créer une appétence,  du livre à venir dont on parle, par exemple…

Sur ce sujet, Michelle Marchal (shaarl) nous signale une conférence et un site :
Les secrets des marques des tailleurs de pierre, par Claude Oberlin
(mardi 9 février 2016, à 18h30,  au PMC à Colmar / Pôle Média-Culture Edmond Gerrer / 1 Rue de la Montagne Verte, 68000 Colmar)
Voir le site de Claude Oberlin consacré à la glyptologie, qui étudie les signes gravés dans la pierre, les marques de tâcherons, par exemple… et encore ces quelques pages évoquant les linteaux.

Les archives, « le tourbillon du kaléidoscope »…

Les archives conservées par la SHAARL sont de toute nature (papiers de l’avoué Mougenot de la fin XIXe siècle, un herbier provenant de la mairie de Port-sur-Saône, des collections de journaux…) et Stéphane Brouillard, qui dépouille et classe inlassablement tous les dossiers, nous remet une photographie présente dans un catalogue de l’usine Lautenbacher qui était située rue Jean Jaurès, à Lure, à l’emplacement actuel des résidences « Les Eaux vives« , construites dans les années 1990.

Les "Eaux vives", à Lure
Résidence « Les Eaux vives » (Lure – 70. Photo 2011)

Le document photographique est une invitation au voyage dans le temps saisissante. Confrontons le paysage usinier du début des années 1960 à la rue Jean Jaurès d’aujourd’hui… La date de la photo est incertaine, on voit les poteaux électriques, des plaques d’égout, les trois maisons construites en face de l’usine, entre la rue Neuve et  celle du mont Randon. On n’aperçoit âme qui vive autour de l’usine, dans les rues, dans les jardins ; la photo aérienne est prise sans doute très tôt, le soleil ne dessine aucune ombre, c’est un jour d’été, de vacances peut-être… En grossissant l’image, qui a une bonne résolution, on voit des rideaux et des volets de chambres tirés, des fenêtres ouvertes qui apportent la fraîcheur, et le bruit de l’avion a peut-être réveillé Mme Kipe, ou ma grand-mère Marguerite, qui ira au jardin. Encore un détail visible, qui ranime un souvenir de piqûre douloureuse : au coin de l’une des maisons, près du jardin, une ruche…
(cliquer sur les images)

Un blog consacré à une chronique de la Grande Guerre à partir d’extraits du journal Le petit Comtois nous offre une autre image du même endroit : l’usine Grün, qui a précédé l’établissement Lautenbacher… Une seule maison, celle de M. et Mme Maille,  apparaît en face de l’usine, sur le chemin du mont Randon. Au-dessus des toits à sheds, les hautes cheminées disent l’absence de distribution électrique ; l’image est de 1929.

Usine Grün à Lure(Usine Grün, à Lure )

Une usine, des plaques d’égout, de hautes cheminées, des fils électriques, une résidence d’aujourd’hui avec des voitures, des maisons de l’entre-deux-guerres avec des jardins, une journée particulière, une ruche… : les archives mêlent le singulier, l’intime parfois au collectif, permettent l’approche d’une époque, d’un lieu, d’un milieu… Qu’elles soient fragments matériels, murmure de milliers de mots, dessins, photographies…, « Mille fois devant les yeux tournoie le kaléidoscope (…) Le sens de l’archive a la force et l’éphémère de ces images une à une convoquées par le tourbillon du kaléidoscope. » (Arlette Farge, Le goût de l’archive. 1989).